Il est 9h et nous sommes le 28 octobre. Après une tentative ratée de vol bivouac la veille je décide de monter à la dent de Crolles pour un vol rando. La météo annonce du beau temps avec un vent de nord ouest a priori pas trop fort. J’ai choisi de partir du Centre Hospitalier de Rocheplane. Ça me permet d’être autonome. Je laisse la voiture au parking du CMUDD et j’entame la montée vers la cabane du berger. De là je contourne le pilier sud de la dent de Crolles en passant par le pas des Terreaux. Je rejoins alors le passage du pas de l’Oeille en face ouest qui me permet d’accéder au plateau. Il est 11h20 et une surprise m’attends, la croix a été sciée (à verifier, mais je doute que ça soit le vent) et se trouve à terre.
Sur le plateau le vent est quasiment nul et une petite brise remonte la pente. Premier soulagement je ne vais pas redescendre à pied. Pendant que je prépare ma voile, j’observe de petites barbules qui se forment sur les faces Est au niveau du col juste avant le rocher du midi. C’est ce passage qui va me permettre de basculer dans la vallée tout à l’heure. Je sens que ça s’annonce bien et je mets en place mon plan de vol: dès que je suis en face Est, je continue vers le nord pour essayer d’atteindre le dôme de Bellefont. Ensuite je rejoins en finesse le plateau de Saint-Pancrasse.
Il est 11h50 et tout est en place. J’ai vraiment fait très attention à bien placer l’aile pour un décollage facile. J’ai même enlevé toutes les brindilles et petites pierres qui pourraient se prendre dans les suspentes. J’attends une petite brise, je fais un pas tranquillement, l’air entre dans les caissons; je charge la ventrale. J’accélère la course, la voile me porte, je commence mon vol. La première chose à négocier c’est le passage du petit col. C’est un passage que j’aime bien. On est sur le plateau et d’un seul coup on bascule dans le vide avec instantanément 500m de gaz. Je contemple la vallée du Grésivaudan. Il y a du monde en bas dans le bocal mais personne ne semble pouvoir s’extraire des basses couches. Je suis les Rochers de Bellefont. Tout se passe à merveille. En arrivant au niveau du piton de Bellefont je regarde ma montre altimètre. Je suis à 2000m. Je n’ai rien perdu, j’ai même gagné quelques mètres. Un randonneur se promène sur la crête de l’Alpette. Je sens une ascendance à ma droite, j’en profite pour faire un tour et regarder autour de moi. Je reconnais la Scia et les Lances de Malissard ainsi que quelques chemins que j’ai déjà parcouru en randonnée. Le thermique me monte à 2200m. Je commence à réfléchir un peu. Est-ce que je suis mon plan de vol et retourne vers le plateau de Saint-Pancrasse? Comme je réussi à prendre un peu de hauteur je me dis que ça serait dommage de ne pas en profiter. Je continue. Si jamais mon altitude n’est plus satisfaisante je partirai me poser en vallée mais en attendant j’avance.
Et me voilà reparti. Je me sens bien [ndlr: C’est vraiment dommage, je n’ai plus de piles dans l’appareil photo. Enfin si j’ai des piles mais elles ne fonctionnent plus. J’avais pourtant pris deux jeux de rechange. En fait le premier jeu, des piles rechargeables, s’est mal rechargé et le deuxième jeu était en fait des piles usagées mal rangées]. En quittant le dôme de Bellefond, je me fais contrer. Jusqu’à maintenant je ne sentais pas trop l’influence du vent. Je voyais bien les nuages défilés, poussés par un vent de NNW assez fort mais en dessous de 2200m il n’était pas si présent. Maintenant il me dévie vers la vallée. Comme j’ai un peu de marge je me mets face au vent et j’accélère jusqu’au passage de l’Aup du Seuil. Dans la manoeuvre j’ai perdu de l’altitude mais maitenant le vent n’est plus contrariant. Je continue et je profite du panorama. Du côté de Belledonne je vois une belle rue de nuages. Ça à l’air sympa aussi là-bas. C’est incroyable. Je me concentre à nouveau sur mon cheminement. Je crois reconnaître un peu plus loin l’école d’escalade de l’aulp du seuil. En fait, en vérifiant sur la carte plus tard, je me suis complètement trompé. J’ai déjà dépassé l’école d’escalade et ce que je vois c’est en fait le col de l’Alpe. Je suis un peu plus bas que tout à l’heure et j’hésite à pousser jusque là-bas. Deux nuages en formation au dessus du col me décident à y aller. Comme je manque de patience j’accélère encore. Je me dis que je vais me refaire donc je fonce. Ce n’est pas un mauvais calcul puisque ça marche. Arrivé au col je fais le plein. Enfin j’essai mais encore une fois, autour de 2200m, je perds l’ascendance. Je sens qu’elle est là, j’arrive à la localiser mais à 2200m je la perds. Je sais que je ne suis pas au plafond car la base des nuages est peut-être 100m au dessus de moi mais ça ne passe pas. Au bout de trois tentatives, toutes bloquées autour de 2200m, je continue mon chemin. Cette fois je trouve que je perds trop d’altitude. Je me retourne et distingue la dent un peu diffuse loin derrière moi. Je commence à penser à un possible retour. Je reviens sur mes pas pour me refaire. Je reprends de l’altitude. Ça serait vraiment la cerise sur le gateau de réussir le retour… L’idée me plaît bien.
Sur le retour je me précipite trop. Je passe pour la première fois sous les crêtes. Ça me permet de contempler la face immense du Grand Manti. C’est vraiment superbe, je suis impressionné par cette paroi abrupte. Je me sens privilégié de pouvoir la comtempler de cette façon. Je regrette vraiment de ne pas avoir l’appareil photo. Je me suis un peu laissé aller en contemplation et je suis maintenant un peu bas. Je me demande si je vais réussir à retourner à Saint-Pancrasse. C’est marrant le manque d’expérience. Je me souviens qu’à ce moment j’ai commencé à chercher une possibilité de vache. Cette zone du plateau offre une forêt très présente qui ne me rassure pas. Je vois un petit champ. Je sers les fesses parce que je me dis que si je dois poser là ça va être difficile. Je tends mes jambes, je cale mes bras derrière les élévateurs et je tente d’être le plus profilé possible. J’ai l’impression que ce champ est très loin. En fait, au bout de quelques minutes je suis au dessus de ce fameux champ et j’ai facilement 300m de gaz. Ça passait plus que largement et je sens bien mon manque d’expérience sur ce coup là. Je suis un peu rassuré et je continue à me laisser glisser.
Je sais maintenant que je vais au moins atteindre l’attéro de Lumbin. D’ailleurs je sais comment ça va finir. Je vais me poser à Lumbin. Je vais replier ma voile tranquillement avec le sourire et des images pleins la tête. Ensuite je vais prendre une mousse bien fraîche au bar de l’attéro avec les potes. Après le funiculaire me remontera sur le plateau. Je vais me poser sur la moquette du déco nord de Saint-Hilaire, regarder les autres voler et manger un morceau. Je vais reprendre la route pour aller récupérer la voiture en marchant tranquillement. Je regarderai la dent et je reviverai ce vol incroyable. C’est la première fois que j’enchaîne une randonnée et un cross. C’est mon premier volàjac 😉 C’est tout simplement magique.
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