Un parfum d’aventure
Au printemps nous découvrons l’offre de l’école pyrénéenne Soaring. Il s’agit d’un vol rando en groupe ayant pour objectif la découverte du massif des Pyrénées par sa traversée d’Ouest en Est côté espagnol. La présentation en est fort attrayante avec encadrement, navette et prise encharge des bivouacs. Cela nous semble assez complémentaire à nos pratiques de club, ce parfum d’aventure parapentesque nous séduit , c’est une première au niveau d’un groupe, la décision est prise, nous y serons et on s’inscrit.
Nous sommes en Mars. Les 4 mois qui suivent apparaîtront bien long, on consulte les vols CFD faits dans ce massif, un constat s’impose, les km pyrénéens n’ont pas le même prix que ceux glanés dans les Alpes. On se prépare tout ce printemps par quelques rando et cross dans notre aire de jeu alpin (voir encadré 2), le jour du départ se rapproche, enfin le feu vers est donné, le départ sera le mardi 11 à 8h chez Soaring à Luchon.
Nous sommes 13 pilotes, de 30 à 67 ans venant des 4 coins du pays, avec des pratiques très différentes, depuis le volant des bords de mer breton jusqu’au compétiteur de nat A en passant par les thermiqueurs des Alpes ou des Pyrénées (encadré 1).
Ce concept sera donc un trait d’union entre toutes ces pratiques du parapente.
La mise en route
L’inertie de groupe ajoutée aux préparatifs d’une telle éxpé, le départ de Luchon se fera à 11h. Il pleut côté France des Pyrénées, on ne retrouvera le soleil qu’au pays basque au pied de la montagne « Bisaurin « notre premier bivouac à 1600m où nous arrivons vers 19h. Pour se dégourdir les jambes, une petite rando est lancée vers l’ouest jusqu’à un col à 2100 m. Cinq courageux ont pris leur aile et s’envolent pour un plouf du soir.
Pour ce premier soir et sans doute dans le souci d’une mise sous pression progressive, Marc Boyer a commandé un repas au refuge de Lizara. Certains dorment au refuge, d’autres sous leur tente et les courageux à la belle étoile au milieu des vaches et leur trop nombreuses cloches…..bonjour le réveil !
Nous y sommes vraiment
Ce réveil est ensoleillé, le ciel bleu et pas de vent. Tout va bien. Un rapide petit déjeuner et c’est la première montée pour un déco vers la crête O’Boso cap plein est. Dès 10h les premiers cum se dessinent, ça nous semble bien rapide mais bon, on se dit qu’on ne connaît pas ce massif loin de nos Alpes mais très vite ça se confirme l’instabilité grandissante nous promet un vol abrégé. Pendant la montée un crissement de planeur nous fait lever les yeux pour apercevoir une colonie de vautours en plongée sur une carcasse au sol, les ailes rentrées pour réduire la surface de voilure. Très impressionnant.
Le deco est pris sous l’ombre de son nuage, JM se met en l’air coté Est et repose très vite car il n’y a rien et desous c’est un retour à pied garanti. Il décide d’escalader avec la voile en boule la crête 500 m plus à l’Est et 100m plus haute encore au soleil. Sa face sud donne bien, tout le monde migre alors vers ce nouvel espoir d’envol. Face à nous, la très belle chaîne « collarada » qui pointe à 3000 m et doit nous amener 35 km plus à l’Est sur notre prochain bivouac. Pendant qu’on se prépare à décoller un bruit de tonnere, le vrai , nous fait détourner notre regard vers l’ouest….c’est déjà bien noir et chargé. Tout le monde décolle, ça se charge maintenant à l’Est….il reste un cône plein sud, Marc décide de s’y engager. Une bonne heure et demi de vol plus tard, tout le monde est posé et la pluie arrive. Bon….ce n’est que le jour 2, on y croit.
Le groupe est constitué de treize pilotes, tous autonomes, montage du bivouac compris de 30 à 67 ans, bravo Marc le retraité local.
Pour l’encadrement, deux GO : Marc Boyer et Jérôme Maupoint encadraient le groupe, JM décollant le premier pour tester la masse d’air.
Ils ont fait le parcours à l’été 2005 en autonomie totale, sans assistance le bouclant en 4 jours.
-MB est l’homme orchestre de la logistique tant pour le vol que pour la conduite des « fourneaux » au bivouac (excellents repas du chef)
-JM est à la fois un fin pilote et le photographe du raid. Cet artiste professionnel de la photographie parapentesque ne décolle jamais sans son boitier. Les photos ci-jointes sont extraites de son travail accompli au long de ce périple.
L’un comme l’autre ne parlent que pour dire quelque chose, un peu comme s’ils étaient « à l’économie » sans jamais un mot de trop. Ce sont des discrets mais très efficaces.
Et pour la logistique, 2 forts sympathiques naveteurs-hommes de service, Hubert et Serge.
Et les journées de vols suivantes…
Le bivouac suivant est sur une estive (une estive est aux Pyrénées ce qu’un alpage est aux Alpes) à 1700 m au dessus de Linas de Broto. Installation des tentes en évitant les bouses de vache. Vaches qui sont très actives sur ce seul plateau environnant. Dîner et sommeil avant une autre aventure.
La lumière devient plus intense. Le soleil relayait le lever du jour. La douceur du mécanisme sur les couleurs vives de nos tentes crée, par transparence, une atmosphère douillette. Calé au fond de nos duvets on se demande simplement si ces lueurs ne sont pas celle d’un rêve. La conscience reprend le dessus. L’immobilité de la nuit laisse place aux premiers mouvements matinaux : s’extraire du sac de couchage, s’habiller, mettre ses chaussures, sortir de la tente.
Le regard encore endormi chacun balaie des yeux l’estive qui nous a accueilli cette nuit. L’herbe est drue et bien verte. Ceux qui ne connaissent pas les Pyrénées espagnoles en orientation sud s’étaient fait à l’idée d’une végétations grillées et de reliefs rocailleux. Certes les hauts sommets dans l’étage nival sont plutôt minéraux mais en dessous les pâturages regorgent de nourriture pour bovins et ovins. Autour de nous les vaches sont paisibles. Avec leurs clarines elles génèrent une ambiance sonore agréable. Non loin, la grande tente collective trône. Par sa porte s’échappe une petite fumée banche. Les bouilloires marocaines sont déjà en action. Au soleil sur un tapis de sol, tous les ingrédients d’un premier repas sont réunis. Le petit déjeuner est prêt.
Chaque membre du groupe, tartine à la main et gobelet au poing s’empresse d’avaler sa collation. Il est 8H30, l’ambiance est chaude, la fraîcheur de la nuit a déjà disparu. Tout s’enchaîne logiquement et sans précipitation : pliage du bivouac, préparation du sac pour voler, récupération du casse croûte. Le menu de midi diffère peu, tomates, charcuterie (chorizo, saucisson, jambon…), paquet Bouton D’or, fruit et quelques barres de céréales. Il ne faut pas oublier de faire le plein d’eau. Nous sommes la plus part munis de pipette à eau. La boisson pendant la période estival doit être abondante. Tellement la similitude est grande, relié à nos poches à eau par un tuyau, nous donnons l’impression d’être sous perfusion.
Crème sur le nez et chapeau sur la tête, les premiers commencent à arpenter le sentier. L’objectif de marche n’est pas très précis. Il faut s’élever pour trouver le meilleur site de décollage. La sente parfois se perd. Elle nous laisse là, orphelin au milieu de l’estive. Chacun imagine son chemin, en zig zag ou « drè dans l’pentu ». Chaque moments est une invitation au vol rando. Nous sommes venu ici allégé mais pas si léger. Nos sacs recèlent une sellette muni d’un secours. Nous ne comptons pas du tout faire les fléchettes mais espérons plutôt, aligner chaque jours les vallées traversées. L’invitation se paye en fonction de la préparation physique, matérielle et mentale de chaque pilote. Objectif premier c’est d’arriver à la crête. De là suivant l’activité de la brise, la position du soleil, les formations nuageuses et le vent météo nous modifions notre itinéraire. Il faut trouver le meilleur décollage.
Dans cette quête le troisième jour, la marche nous amènera au Mondiciero au pied de la sierra de Tendenera.. Ce sommet est une belle et grosse colline de 2295m, offrant un décollage toutes orientations. Le panorama est splendide. Plein Est devant nous trône le fabuleux canyon d’Ordesa. Nous sommes là face à un vrai tableau avec des tons de jaunes (genets) et de rouge (terre). Au loin vers le nord se profile le Pic de Marboré, le Taillon, le Vignemale. Au sommet il est 12h30, juste devant nous une belle combe sud, surplombant les petits villages de Viu et Linas de Broto, canalise la brise. Jérôme déplie sa voile et va rapidement tester les conditions. Sous nos yeux, il prend rapidement de l’altitude. Les conditions semblent excellentes. Il ne faut pas traîner. Le ciel commence a être bien chargé. Effectivement depuis une heure de grosses colonnes se forment et se désagrègent. La couverture nuageuse est déjà à plus de 60%. Tandis que les premiers pilotes décollent dans une brise parfois soutenue, au même moment, plus à l’Est, le ciel gronde. Cet avertissement sonne comme la fin de la récréation.
Tout le groupe est en l’air. Nous faisons quelques passages devant le déco, nos trajectoires sont comme des caresses sur les rondeurs de ce sommet. Les conditions évoluent vite, tous les pilotes n’ont maintenant qu’un seul objectif : poser. Nous sommes pris en tenailles entre deux cunimbs. L’échappatoire sera de poser rapidement près de Broto. Il faut sortir de son bagage de pilote les manoeuvres de descente rapide. Tout y passe : grandes oreilles accélérées, 3/6 engagés. C’est dans ces moments qu’une technique approximative et une pratique sporadique diminuent les marges de sécurité. Une fois posé, les gouttes ne tardent pas à arriver. Au sud la Pena Montanesa ne restera qu’une silhouette.
La fin du vol se finira dans un bar bruyant de Broto autour d’une Cania Con Lemon.
Jokers : Castejon de Sos & Ager
Castejon de Sos était prévu au programme. Nous devions poser lors du deuxième vol étape. Finalement nous y arriverons en camion et entorse au règlement de tout bon marcheur (transpyrénéenne oblige) nous monterons au décollage en navette. L’envol sous le Gallinero est majestueux : un grand pâturage, une légère pente une brise de face et des barbules devant. Dès 11H30 les conditions sont douces et permettent patiemment d’atteindre le nuage. Avec des plafonds soit disant confortable à 2900m, nous comprenons qu’ici ça suffit juste pour aller au petit relief suivant. Ensuite il faut réitérer l’opération. Marc nous avez prévenu pour bien voler dans les Pyrénées il faut comprendre une chose, tu ne laisses jamais un thermique tant que tu n’es pas au plafond. Le reste est simple tu cadences ton vol de la façon suivante : gain, transition, gain, transition… A cause des conditions aérologiques nous resterons deux jours dans ce temple du vol libre. Nous aurons l’occasion de faire deux très beaux vols vers Vilaller et El Pont de Suert.
Nous avons été forcé à la retraite par une formation trop rapide des cunimbs sur les hauts reliefs. Ager a été notre oasis. Pour beaucoup c’est une découverte. Cette journée nous plonge dans l’univers surchauffé et complètement desséché du sud. L’accueil de sauterelles géantes mangeuse de sac de parapente nous confirme que l’on a changé de climat. En vol, la réputation de longue crête facile est un peu usurpée. Pour la plupart le vol commence avec une belle paire de rames à la place des commandes. Nous nous retrouvons tous très bas sur les premiers reliefs. Marge d’altitude nulle, il faut sortir le manuel du pilote teigneux. Chaque mètre se gagne aux poignées avec ténacité. Il faut plus d’une demi heure pour raccrocher la dite crête à mouette. Il est 13h les thermiques deviennent plus musclé. Nous nous prenons à rêver à un cross digne de ce nom en direction d’Organyà et de la Seu d’Urgell. C’est sans compter sur les entrées de vent d’Est. Le vol se terminera au bout de 3h en plaine dans des conditions généreuse. A l’attérro du camping, le sol terre battue surchauffé nous invite sans concession aux rafraîchissements.
Mais notre enthousiasme ne viendra jamais à bout de la persistance des orages, présentes chaque jour avec la rigueur d’un métronome, 15h tout doit être plié ! Au plus fort du front nous ferons 2 haltes en vol local à Castejon et à Ager, à chaque fois en espèrant que le lendemain serait plus enviable.
Cette semaine de marche et vol sera à l’image du dernier jour et du dernier bivouac. Malgré la fatigue tous les pilotes croient au bouclage d’une étape. Nous sommes juste sous le Montsent de Pallars. Sommet emblématique de la catalogne. Le décollage a la taille de la moquette que dessine l’ensemble de nos voiles au sol. Nous arrivons presque encore à nous gêner. Une fois de plus la montagne et le ciel sont à nous. Aujourd’hui les développements nuageux sont faibles. Rapidement nous sommes tous en l’air. Il est 12h et le sommet est largement coiffé par un joli cumulus. Plus ou moins lentement nous finissons par tous être sous le nuage. Nous sommes à 3000m. Au Nord devant nous, la chaînes des Encantas nous offrent ses 200 lacs. Le contraste du soleil jouant à cache-cache entre les nuages sur la surface de l’eau, nous offre une vision féerique. Le ballai de nos 14 voiles sous le même nuage l’ai aussi. Jérome notre photograghe fusible se régale derrière son objectif. Modestement nous essayons de faire quelques photos souvenir. Pour partir vers l’Est notre altitude trop faible n’assurera qu’une longue glissade dans la première vallée. Marc signal à la radio que nous ferrons cap à l’Ouest. Avec ses quelques mots une part du rêve prend fin. Nous partons en groupe pour une transition au dessus de Cabdella. Puis une fois sur le relief en face, le feux est mis aux poudres. Les nuages sympathiques deviennent menaçants. Les thermiques deviennent turbulents. Sur les épaules de fortes descendances s’organisent. Une crête anodine bien que 200 m en dessous devient un mûr infranchissable. Un pilote du groupe habitué a trop pratiquer le lèche la pente se trouve rapidement posé dans un vallon d’altitude, dure punition. Il faudra finir à pied.
Conclusions provisoires….
Voler dans les Pyrénées espagnoles est incontestablement une aventure. Les lieux sont peu fréquentés. Ce vaste massif est-il confidentiel? En tout cas la plupart des parapentistes aiment vivre des aventures mais sans la contrainte de la récup. Ici les vallées sont encaissés, étroites et sauvages. Le passage de voiture pour un mois de juillet est faible. Il faut parler espagnol. L’eau dans le massif se fait rare. Donc parler de cross, voir de vol bivouac ne s’envisage pas sans un certain degré d’engagement ou une bonne logistique. Découvrir les possibilités de vol grâce à une équipe qui connaisse bien le terrain n’est pas chose vaine.
Bien que nous ayons pu voler tous les jours, ce périple reste inachevé.
Par ce récit de nos vols abrégés nous souhaitons donner une illustration de cette première Transpyrénéenne organisée et portée au niveau d’un groupe. C’est un vol libre quelque peu différent de la CFD ou de la compétition, un vol libre plus tourné vers les autres dans sa pratique, une merveilleuse aventure humaine car magnifiée par le groupe.
Voler en groupe, décoller d’un même lieu au même moment, partager cet instant étrange où tous les espoirs de beau vol sont alors permis, se regrouper au premier nuage, échanger sur la bonne route à prendre, appréhender autour de nous des montagnes, des vallées, des nuages et des …. congestus et décider d’une direction. Partager cet instant où tout le groupe s’engage vers le prochain but est pure magie.
Transiter, chercher ensemble la zone qui va la mieux monter au ciel, se regrouper et recommencer…
Oui ce parapente là inspiré d’un parfum d’aventure, d’un soupçon de raid en nous permettant d’approcher les paysages magnifiques de ce massif des Pyrénées est grandiose.
Il ne nous a manqué que les conditions….
Jean-Claude et Fred
Comment se préparer à ce genre de projet? Les pré requis:
-Etre disponible pour un stage de 7 j entre le 10 et le 25 Juillet, la période finale étant décidée en fonction des estimations météo.
-Aptitude à la cartographie, 5 cartes au 1/50000 très utiles pour la récup lorsque vous posez au « trouduculdumonde » sans parler la langue locale et que le portable comprend de nombreuses zones inertes.
-Un matos adapté : alléger le sac le plus possible. La voile montagne n’est pas indispensable, On peut garder sa voile de site mais changer sa sellette de 6 kg contre un « radicale » de 0.6 kg par exemple et garder un secours en ventrale. Passer de 16 à 11 kg vous change la vie … lors de la montée au déco.
-Avoir une bonne expérience du vol en thermique dans des conditions typiques des Alpes du Sud
-l’entraînement : faire du jogging un mois avant le départ c’est bien mais s’entraîner à marcher 2h avec le sac sur le dos, c’est mieux.
Le bivouac se réveille sous le Montsent de Pallars
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