Mon Premier But à La Bérarde
Col des Avalanches (3500m): Garçon, l’addiction
Les accros du Vol-Montagne s’accordent à dire que c’est l’une des plus belles façons de voler…
Les accros du matos light s’accordent à dire que c’est dur de revenir aux sacs de 18 kgs…
Autant vous dire que lorsque vous réunissez les deux, l’accoutumance vous guette de façon redoutable,
mais c’est pour la santé une excellente addiction.
Bon, nous on était quatre à exercer notre addiction dans le massif des
Écrins,en ce début Juillet: François, Jac, ma douce compagne et moi-même.
Objectif: voler du Col des Avalanches, 3500m., au pied de la face W de la barre
des Écrins.
En voiture jusqu’à la Bérarde, puis montée tranquille au refuge de
Temple-Écrins, 2410m, où le panorama est déjà somptueux et le repas du
soir carrément excellent.
Déjà, là, ça valait la peine, courrez-y si vous ne connaissez pas.
Réveil à quatre heures, ‘tit dèj hésitant, sommeilleux à tartiner le
beurre sur les lunettes de soleil, on quitte le refuge au jour à peine
naissant, vers cinq heures.
Environ 1100m à grimper. Bon sentier jusqu’à la neige, qui a bien regelé
cette nuit, et de ce fait marche aux crampons/piolet très sûre dans des
pentes agréables.
Le sac ne tire pas trop sur les épaules; j’ai réussi à ne pas dépasser
la dizaine de kilos en éliminant tout superflu et ça se passe plutôt
bien de ce côté-là.
C’est toujours magique ce moment où le paysage s’élargit, se couronne
d’orange, sans que la vallée, là-bas au fond, ne sorte en rien de sa
nuit noire.
A 3000m., calme plat, les 20 kmh de vent d’W prévus ne sont pas au
rendez-vous. On le savait, le risque était réel de ne pas pouvoir voler,
mais on a parié… Et ça marche: à 3300m., toujours rien, juste la
petite « dégueulante » d’air froid qui coule le long du glacier et nous
accompagne depuis ce matin. Normal. Et le vallon étant orienté à l’W.,
on trouvera bien un niveau où ça sera décollable si le vent météo se
confirme… Optimisme, donc !
3450: le Col est proche. Il est huit heures. Belle pente finale à 30°,
puis superbe replat, on y est: un rêve de décollage, un décollage de
rêve… sauf que le f… vent météo prévu est bien là, cette fois, mais
orienté quasiment N. c’est à dire plein travers à droite. 🙁
in-dé-col-lable…
La dream-team tire un peu la gueule, mais bon, qu’alors y faire ?
Déclencher le plan B: redescendre à 3300m, beau replat, plus de vent
météo, mais… la petite brise, toujours là, toujours descendante,
obstinée, parfois assez forte, même. Vaine attente.
Gardarem lou moral: vers 3100, la moraine frontale du glacier nous tend
les bras: une petite colline douce, en croissant, où dix voiles
tiendraient côte-à côte sur la neige maintenant ensoleillée. Idyllique,
vous dis-je. Mais la petite brise descend toujours, taquine et
exaspérante, parfois s’arrêtant carrément, ou faisant juste semblant,
jouant avec nos nerfs, puis revenant de plus belle.
A deux reprises, on a sorti les voiles du sac. François et Jac allant
même jusqu’à la tentative de décollage, mais l’aspect chiffonné du tissu
qui les suivait mollement les en a dissuadé: le plan C ne marchera pas
non plus..
Plan D: déco du refuge. (courage, il n’y a que vingt-six lettres dans
l’alphabet!)
Longue descente, pensées amères, dans ces paysages somptueux où seuls
les parapentistes réussissent à être de mauvais poil… La neige est
maintenant ramollie, mais prudence: une glissade pourrait être
catastrophique. En haut de la moraine on range enfin le matériel pour
rejoindre les lacets du sentier.
13h 30: j’arrive à 2500m, en vue du refuge. Belle brise thermique,
régulière et fiable: au premier carré d’herbe, même parsemé de cailloux
arrondis et débonnaires, je n’y tiens plus. La Boréa est sortie du sac,
et cinq minutes après je survole le refuge pour me poser en douceur 600m
plus bas, sur l’herbe grasse du Plan du Carrelet. Aérologie déjà musclée
mais parfaitement gérable. François me suit, puis Jac qui décollera du
refuge et fera une descente express aux oreilles pour oublier quelques
turbulences.
Françoise, qui appréhende la brise de vallée au bord du Vénéon fera le
choix de descendre finalement à pied. Elle nous rejoindra à l’ombre d’un
pin, un peu cassée par ses 1600m de descente… gloire à elle et paix à
ses ampoules.
Nous arriverons finalement vers 17h à la Bérarde: l’hypothèse la plus
optimiste nous y voyait atterrir vers 10h du matin !!!
Analyse de la journée: on a parié…et on a perdu. Deux raisons à cela:
* Le vent météo était bien là, mais plus haut (pas gênant) et carrément
NNW (rhédibitoire). Il aurait pu être notre allié, il nous a au
contraire privés du déco du sommet.
* Nous avons trop négligé ce que nous savions pourtant: les glaciers,
les névés, les rochers glacés génèrent par contact une lame d’air froid
qui passe sa vie à descendre tranquillement les pentes vu qu’elle est
plus dense (avec les loups). Sachant que ce phénomène dure à l’évidence
(non, sans les loups, là.) plus longtemps dans les vallons exposés à
l’W, (ce qui était le cas) où le soleil est bien plus tardif.
* Mais on n’a pas TOUT perdu, loin de là! restent devant nos yeux
quelques-uns des plus beaux sommets des Alpes, des moments précieux avec
les copains, une superbe course en haute montagne où tout s’est déroulé
dans l’harmonie et la bonne entente, un petit vol qui a soulagé la tête
et les papattes, les coups de soleil, et le parfum subtil de ce Génépi
que nous a fait goûter notre si sympathique voisin de table, la veille
au soir…
Je ne veux pas oublier non plus les gars du PGHM de la Bérarde, à qui nous
sommes allés parler de notre projet avant de monter: excellent acceuil, notre
visite de courtoisie a été appréciée.
Qui a dit que « moins on vole, plus on raconte »? Voilà, c’est fait !
Je vous souhaite de beaux décos avec une petite brise de
face à la cassure…
Bernard.
0 commentaires