Plus de 3 semaines que la pression est là ; il faut jongler entre les prévisions météo, les dispos… L’envie de faire partie du groupe qui partira pour tenter de voler du sommet du Mont Blanc est toujours là. Quelle déception si je ne pouvais pas en être !!!
Les prévisions se succèdent , souvent pessimistes : trop de vent, perturbé, nébulosité… On apprend de temps à autre que ça a volé tel ou tel jour alors qu’on pensait que ça ne le ferait pas …Ou alors un jour, c’est sur que ça vole et personne n’est dispos.
Un vrai pensum mais la volonté de réunir un groupe sans cesse renouvelé, avec ses fidèles participants et ses p’tits nouveaux, est plus forte et la magie du partage et de l’échange après le vol reste toujours un moment identique de bonheur : on était là haut il y a une heure et là, on boit la mousse au bar après avoir fait sûrement un des plus beaux vols haute montagne.
Cette année n’a pas dérogé à la règle ; trop plein d’incertitude, du vent à en revendre, des créneaux étroits… tous les ingrédients sont réunis pour faire monter la pression ; en plus l’an dernier, il n’y a jamais eu de fenêtre météo : automne pourri !!!
20 septembre : mail laconique d’Antoine Jammes, un pilier : ça a l’air de se calmer en fin de semaine ; effectivement les hautes pressions se décalent et le vent semble chuter dans 3 ou 4 jours ; encore loin pour être affirmatif mais on ne sait jamais ;
Et de jour en jour, la stabilité semble s’installer avec un flux de nord est en altitude puis de nord faible , plutôt jeudi ; Le consultant Météoblue, Noël le Corre a réservé pour le mercredi pour monter au sommet avec un passager et tenter de voler ; le mercredi semble moins favorable et de toute façon je ne peux pas me libérer ; ce sera donc le jeudi ;
Et voilà que les prévisions deviennent finalement meilleures mercredi et encore valable jeudi matin avent un renforcement en nord ouest dans l’après midi ; ça va être chaud… il faut donc monter aux cosmiques mercredi après midi pour partir pour le sommet vers 2h du mat’.On verra peut être Noël nous passer au dessus !!
Le groupe se constitue parmi tous ceux qui avait postulé et nous voilà 6 à embarquer dans l’espace familial avec tout le bordel que vous imaginez : il y en a jusqu’au toit….
Il y a Jean Pierre Simorre (JPS)et Lintignac(JPL), Philippe Bensa, Christian Pignoly ( transfuge du club St Hil) qui est le bienvenu, Julien Champelovier et moi. Déjà dans la voiture , le ton est mis : ça chambre à mort ; ça promet de la bonne bignouze…
Départ à 12h30 grâce à l’audacieuse vérification des horaires du téléphérique de l’aiguille du midi par JPL dont la dernière benne est à 16h depuis la veille au lieu de 17h…
Arrivée à l’aiguille du midi on s’équipe avant de prendre pied sur la descente de l’arête ; Stupéfaction : comme dit un guide, c’est marée basse ; je n’ai jamais vu ça ; l’arête en vieille neige pourri, pont de neige sur l’arête elle-même, crevasse monstrueuse en bas de l’arête : la conjonction d’un hiver pauvre en neige et d’un été chaud sans précipitation rende ce premier contact un peu lugubre ; les sommets par contre sont bien blancs grâce aux chutes de neige des derniers jours ; c’est même un problème car le Tacul est encore plaqué même si de grosses plaques sont déjà en bas !!!
Refuge des cosmiques : 4 étoiles, peu de monde mais on est dans la chambre qui donne sur l’évacuation des chiottes : ça envoie du gros coté odeur..
On décide de partir à 2 h du mat pour être au sommet le plus tôt possible ; il est déjà bien tard et on a vu que 2 voiles solo passé au dessus du refuge en provenance du haut ; On s’étonne de ne pas voir les 3 bis dont celui de Noël quand à 19h30 on les voit survoler le Tacul en provenance du Mont Blanc. Les couleurs du coucher de soleil sont là et les volants doivent savourer ; coup de téléphone à Noël pour avoir des infos sur les conditions : mis à part le Tacul, un peu en glace et au cheminement tortueux, le reste est en super condition.
Lever 1 h , départ 2h20, personne ne se précipitant pour partir devant , on est juste précédé par un groupe de 3. Philippe donne le rythme ; tout le monde suit sans problème, alternance de section aisée et de passage raide et glacé ; le Tacul ne déçoit pas ; le Maudit est cette année une formalité grâce à la neige tombée récemment et nous voilà au col de la Brenva pour le lever de soleil. Encore 500m, on a pas encore senti de vent du tout ;
On attaque le mur de la cote et quelques petites rafales me mettent le doute ; on voit pourtant une voile décoller, puis une mini voile ; ça devrait le faire ; la montée finale n’en finit plus ; on croise un alpiniste qui descend et nous annonce 20 à 30 au sommet ; c’est incroyable , on ne sent plus rien depuis un moment ; et effectivement, arrivé au sommet un vent de 30 mini de nord nous attend sur l’arête. Ça sent le moisi ; on attend la deuxième cordée de 3 en aidant Olivier, le pilote du biplace qui a posé au sommet le 19 août, et son passager ; la violence du vent le fait renoncer au sommet et on l’aide à tenir le matériel une 50ne de m en contrebas ; va falloir tout remonter…
Il décolle de manière tonique mais une fois en l’air, tout est calme ;on remonte au sommet pour prendre une décision ; première option : descendre et voler du Dôme du Gouter ; il n’y a pas de vent nous a dit un guide ; c’est classique ;
Seconde option : descendre une 50ne de m pour faire décoller 3 ou 4 personnes, les deux ou trois autres se débrouillant pour se faire aider par ailleurs ou allant décoller au Dôme ;
C’est ainsi que décollent Philippe, Julien et Christian ; Le tout nous a pris une bonne heure pour descendre, installer les voiles dans la pente , démêler, pilote installé, décoller…
C’est avec stupéfaction que nous voyons une puis deux voiles partir du sommet ; miracle , le vent est tombé et ne souffle plus qu’à 15- 20 km/h ; Les Jipounet et moi décidons de décoller du sommet ou au moins la voile ne glissera pas ; on se prépare ensemble, déco face voile et c’est parti ; ça reprend bien sur l’arête des bosses ou je fais une dizaine d’aller retour et JPL arrive à repasser 30 m au dessus du sommet ; c’est le miracle du Mont Blanc ;
Je longe notre trace de montée, rentre complètement le long du mur du Mont Maudit et envisage de faire le tour par la mer de glace mais mes allers retours sur l’arête des bosses m’ont coûté de l’altitude et je suis un peu juste pour passer les câbles de helbronner ;
Je longe donc les aiguilles de Chamonix à les toucher puis je survole la mer de glace ; comme a dit JPS, on a l’impression qu’elle est en travaux : recouverte de moraine effondré, toute la langue terminale est exsangue.
Ce grand plané se termine à l’attéro du bois du Bouchet ; c’est l’exultation ; ce vol n’en finit pas de ne pas lasser . La mousse s’impose d’elle même devant le spectacle du Mont Blanc.
Photos : Julien Champelovier
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