Dès le jeudi de la semaine dernière, une sorte d’excitation générale a gagné petit à petit le monde du parapente. La radio martèle «canicule !» , les prévisions météo annoncent un vent faible à toute altitude…
Après un créneau en 2003 puis un autre en 2009 – au cours dès quels des parapentistes explorateurs ont posé ou survolé le Mont Blanc – la recette est maintenant connue. Alors que les premiers à poser n’étaient pas des billes, cette année on se dit : «pourquoi pas nous !». Il n’y aura d’ailleurs « pas nous » puisqu’aucun des membres de la belle équipe du CHVD n’a posé son stabilo sur une calotte du genre blanche. Ce n’est pas grave, ce week-end hors du commun mérite tout de même son article !
Tout d’abord, voici comment nous nous retrouvons à Bisanne Samedi matin. Il faut savoir que le Vendredi, j’ai pu faire le matin un beau tas du Moucherotte avec Ben (alors que nous pensions décoller au-dessus de l’inversion), suivis d’un beau tas en fin d’aprèm de Chamrousse avec d’autres comparses du club (alors que nous pensions décoller au-dessus de l’inversion). Dans nos têtes pas encore expertes, nous pensons aussi que le décollage de Plan Praz est interdit l’été. (C’est en fait de ce décollage à 2000 m d’altitude et juste en face du Mont Blanc que partiront plus de 90% des pilotes). Nous le pensions interdit et donc persuadés que tous le monde partirait de Passy. L’altitude faible de ce décollage – 1350 m, la belle démonstration de stabilité du Vendredi et la peur de « plein de monde » dans les basses couches à tenter la même chose depuis Passy nous effraie un peu (enfin surtout moi)… Julien C. nous propose un truc pas mal : Bisanne. Altitude 1970 m, joli vol quoi qu’il arrive, moins de voiture pour ceux qui doivent rentrer le soir, des transitions moins effrayantes que depuis Passy… C’est parti !
Tentative n°1 : le Samedi
Nous voilà 4 avec Franck, Simon-Pierre et Ben à 12h sous le soleil du déco. Pas un nuage dans le secteur : Brrr ça fait peur. Des bi-places professionnels décollent et montent 500m au dessus du déco : Youpi c’est déjà mieux !
Décollage 12h45. On est pas plus d’une dizaine a vouloir tenter le Mont Blanc depuis ici. Pratique pour ne pas se marcher dessus. Pas pratique pour trouver les thermiques ! Le début de vol se fait dans une ambiance toute particulière : les thermiques sont éloignés les un des autres avec des varios faibles. Heureusement, une fois une colonne trouvée, elles sont extrêmement larges et n’en finissent plus de monter. Sur notre deuxième thermique, on enroule pendant 7 minutes pour monter de 700 m ! Nous voilà à 3200 m. On commence à croire qu’on pourra gagner le massif du Mont Blanc…
Derniers thermiques sur le Mont Joly, dernière montagne coté Megève avant LA transition qui fait peur. Altitude 3200 m : cap sur le Mont Vorassay (2300 m) coté Mont Blanc. Plus on se rapproche, plus on distingue des voiles en l’air…
Fin de transition, changement de décor. Les thermiques long et doux font place à des hachés et teigneux. Le ciel vide de parapentiste fait place à un ciel plein de voiles. La désorganisation des thermiques et le monde en l’air rend l’ascension exigeante. Tient un bi-place me héle. Ho ! C’est Sylvain et sa copine. Nous sommes un peu à la Coupe Icare du Mont Blanc. C’est peut-être encore plus la fête du vol libre puisque tout le monde est en l’air !
Le long du Tricot (2800 m), avec vue sur les Dômes de Miage, ça monte ça monte. Mais, impossible de faire mieux que le col de Miage (3370 m) sous Aiguille de Bionnassay. Derrière ce col, c’est la face sud du Mont Blanc – coté Italien. Avec l’atitude, un bon vent de Nord-Ouest est rentré. Quelques valeureux parapentistes sont déjà en train de tenter le vol retour par le col (Italie vers France) et ils se font (n’ayons pas peur des mots) : déboiter !!! Le mieux serait de faire l’Aiguille de Bionnassay (4050 m) juste au-dessus… Mais ça ne veut plus. Certains tentent de monter plus. Je choisis de basculer coté Italien où Ben est déjà depuis un petit moment et annonce des records d’altitude personnel toutes les 2 minutes : « 3500 m », « 3550 m », « 3600 m » … il faut savoir qu’il est allé jusqu’à 4600 m !!!
Coté Italien, heureusement qu’il y a foule pour se rassurer car la face Sud est pour le moins austère. Entre 2 thermiques bien pêchus, le vent de Nord-Ouest descend les glaciers. Je comprends mieux pourquoi les stages « reprise de l’activité » n’ont jamais lieu dans la face sud du Mont Blanc ! Mais bon, c’est tellement génial de monter dans un si beau décor. Tellement cool de se taper une super onglée alors que l’on souffrait de la chaleur 3 h plus tôt ! Tellement sensationnel d’être présent pour cette super fête du parapente. Je me dis que les précurseurs doivent être un peu tristes de voir tant de personnes marcher dans leurs traces. Mais c’est comme cela. Avec des thermiques si énergisants, on peut se les partager à tous plein qu’il en restera encore !
Une grappe enroule au-dessus de l’Aiguille Noire de Peuterey, pile au Sud-Est du Mont Blanc. J’y retrouve Ben. Avec ce vent, enrouler le thermique nous oblige à décaler sous le vent de la crête. Des voiles qui ont probablement laissé échapper le thermique reviennent péniblement face au vent. Leur situation ne me parait pas très enviable. De plus, des nuages condensent sur le sommet du Mont Blanc et permettent d’apprécier le vent bien fort qui passe là haut. Ma motivation pour aller me faire tarer plus haut baisse. Rigoler avec les copains c’est bien, mais avec tout ce monde, je commence à rever d’un carré de ciel rien que pour moi. C’est décidé : cap sur la maison ! D’où je suis, le retour semble déjà bien compliqué. Par chance, je tombe sur un bon thermique en plein milieu de la face sud qui me remonte à 4250 m. Il s’en suit du -3 m/s à 11 km/h soit une finesse de 1 ! Je passe le col tout juste ! Ben n’a pas cette chance et doit batailler une bonne demi-heure avant de sauter dans le calme de la face « au vent »… Mais bien sur, on nous l’avait pourtant bien dit à l’école ! De nouveau des thermiques doux, de nouveau moins de monde.
Vu d’ici, Bisanne semble très loin… La lumière est laiteuse et tout semble bien stable. Et pourtant, ça le fait… Il doit être 17h30 quand Ben arrive ; le dernier après sont point bas à 2800m dans la face Sud (le col est à 3370 !). Nous voilà tous les 4 à l’attero. Certains vols ont été plus ou moins facile mais on est tous contents d’avoir été présents pour cette journée hors du commun !
Tentative n°2 : le Dimanche
Cette journée est annoncée avec moins de vent ; sur qui plus est ! Les listes de diffusion s’affolent plus encore que la veille. Nous l’avons compris, pour de pas se faire un cross de 70 km pour rejoindre le sommet, il y a Plan Praz ! Oui mais, s’il y a vait du monde hier, il y an aura encore plus aujourd’hui ! Pour ce dimanche, je reste sur Grenoble pour un vol dans les Belledonnes, les 3 autres tentent le même départ que la veille avec l’espoir d’aller plus loin…
Je ne peux que vous dire ce qu’on m’a raconté n’y étant pas ! Départ vers 12h accompagné de Mr Gaspard (ou Basile) P. Dès le début de vol, ça semble plus dur que la veille. Impossible de faire plus de 2000 m là où nous faisions 3000 m la veille. En bons CHVDistes, nos amis se mettent en mode marche et vol. 3 déco seront nécessaires pour rejoindre le mont Joly. Basile (ou Gaspard) qui réussit une transition de plus arrive plus tôt, redécolle, perce l’inversion, part à 2800 m du Joly, ratasse avec Max Jean-Pierre sur les contreforts du Mont Blanc mais poseront ensuite en haut après une fin de vol « facile » d’après eux… Nos amis ratassent et re-ratassent au Joly. Impossible de monter suffisamment haut. En fin de journée, Ben se fera un petit 3000 mais il est déjà trop tard. Dommage car tout ceux qui ont volé sur le Mont Blanc sont unanimes : Dimanche fut bien meilleur et bien plus agréable que Samedi…
Pas le sommet pour nous… Mais des vols bien au-delà de nos espérances. Des plafonds à 3000 ou plus au milieux de ces belles montagnes. Une rencontre avec les vautours au-dessus de Bisanne. Des belles images dans les yeux et encore pleins de projets dans la tête.
Bref, un weekend parapente qui en vaut 100 !
Vous avez aimé cette prose ? Vous allez adorer la vidéo de Benoit :
Entre Prairies et Glaciers from Pilpil on Vimeo.
0 commentaires