Témoin d’un accident en vol

par | 5 Août 2021 | Retour d'EXpérience | 0 commentaires

En transition vers l’Arclusaz. Le bas des nuages est à 1600 m.

Petit retour sur mon expérience vécu lundi 2 août 2021 lors d’un petit cross le long des faces Est des Bauges.

La journée

Je décolle vers 12h40 de Montlambert. J’arrive à m’extraire, un peu laborieusement, et à rejoindre les crêtes du Mont Charvay. On est une petite dizaine d’ailes à cheminer en direction du col du Frêne. Sous l’Arclusaz, on ressort dans des thermiques qui commencent à être bien couchés par la brise de vallée. Je continue mon cheminement sous les nuages, vers 1550 m d’altitude.

L’accident

 Je dois me trouver sous la pointe des Arlicots lorsque je vois une aile en vrac, à environs 1 km devant moi. Elle dégringole rapidement avant de disparaitre dans une combe raide et boisée. J’essaie de me diriger vers l’endroit où le parapentiste a disparu.

Quand je me trouve à l’aplomb, je commence à le chercher, mais je ne vois rien à la surface des arbres, pourtant nombreux et denses. Je tourne un moment sans rien apercevoir et à force de tourner je ne sais plus trop où est la dernière position connue du pilote en détresse. Je sors en vallée pour basculer ma radio sur le canal secours FFVL …

Mince, c’est la radio d’un copain. J’ai prêté la mienne et j’emprunte celle d’un ami qui n’est pas réglée comme la mienne du coup. La fréquence secours n’est pas enregistré sur le deuxième canal. Je suis obligé d’enlever les gants pour taper la fréquence au clavier …galère.

Finalement, j’arrive à entrer en communication avec les autres pilotes en l’air. On est plusieurs à avoir vu l’aile se mettre aux arbres. Je suis le seul à être encore dans le secteur. Le pilote crashé ne répond pas sur la fréquence FFVL.

Je comprends que les secours vont être déclenchés. J’essaye de transmettre des infos. Je peux évaluer une altitude approximative de la zone où le pilote doit se trouver. Mes messages ne sont pas compris à l’autre bout de la radio et l’info ne sera transmise que plus tard aux pilotes de l’hélicoptère des secours.

L’altitude que j’ai perdue me coince dans la brise de vallée. Je vache près de Montailleur.

L’hélico arrive 45 minutes plus tard. Avec deux badauds qui observe le vas et viens de l’hélico nous l’interpelons avec des grands gestes car il tourne vraiment beaucoup trop haut en altitude à la recherche de la victime. Les secouristes viennent discuter et je leur transmets enfin les infos sur la zone où j’estime que le parapentiste doit se trouver.

Quand je transmets ces infos, je me rends compte que sur le moment je n’ai pas retenu les bons paramètres. J’ai trop longtemps cherché à voir l’aile dans les arbres. J’aurais dû d’abord me préoccuper de me localiser plus précisément par rapport à des repères topologique et par rapport à une altitude. Au final, j’évalue avec des souvenirs qui sont peu précis une zone située entre deux ravins (1 km de large) et une fourchette d’altitude de 1000 à 1200 m le long des pentes de la montagne. Mais je suis loin de pouvoir certifier à 100 % ces infos.

En jaune ma position approximative lorsque je suis témoin de l’accident. En rouge, la zone que j’arrive à estimer, après le vol où doit se trouver la victime.

Je suis contrarié. Mes infos permettent de réduire la zone de recherche que l’hélico quadrille, mais pas suffisamment pour être vraiment efficace. Une personne dans un carré de 200 000 m², c’est comme une aiguille dans une botte de foin. Et puisque je ne suis pas très précis dans la transmission des infos, les secouristes doivent quand même élargir la zone que je leur ai indiquée, dans le doute…

Lorsque je retourne à l’atterrissage de Montlambert, je récupère des infos auprès d’un membre des Indiens. Le pilote crashé serait conscient. Il a mal au dos, mais pas d’urgence vitale. Il s’est lui-même extrait de sa sellette (pas la meilleure idée). Il a communiqué un point GPS aux secouristes avec son téléphone, mais celui-ci est complètement faux et pointe en vallée.

Bilan et conclusions personnels

– La radio bi-bande, c’est bien, mais surtout si la deuxième fréquence est bien réglée sur la fréquence secours FFVL, perdre du temps et de la concentration en vol pour régler une fréquence ce n’est pas génial.

– Lorsque je suis témoin d’un vrac et d’une aile qui fait un retour au sol, il est possible que la voile traverse la couverture des arbres et soit invisible. Le mieux et le plus utile et d’abord de localiser la dernière position connue de l’aile et de se faire des points de repère topologique précis et faciles à expliquer et à communiquer (ravins, falaises, éperons rocheux, altitude, …). Se méfier de ce qui peut paraître plat vu du dessus, une fois au sol les pentes peuvent changer d’aspect.

– Un marquage du point GPS sur le téléphone peut-être très pratique pour les secours, mais pas imparable. Je n’avais pas de GPS en vol, est-ce que l’enregistrement de ma position au moment donné du survol de la zone du crash aurait été plus précise que l’envoi de la position par la victime elle-même ?

– Si j’essaye d’aller voir une zone où a disparu une aile, je reste méfiant. C’est peut-être une faute de pilotage, mais il y a sûrement un facteur aérologique dans la zone qui la rend plus dangereuse. S’éloigner en vallée permet de réduire ce risque lorsque je gère d’autres choses (radio, communication, téléphone, …). Si je ne vois pas l’aile facilement (généralement bien contrasté par rapport aux feuilles des arbres) je continue ma route et je ne m’éternise pas.

Vous pensez à d’autres remarques sur une situation où l’on est témoin d’un accident en vol ?

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