Un retour d’expérience qui j’espère me servira de leçon le reste de ma carrière !
Ce week-end de fin août s’annonçait très plaisant, des conditions fumantes sur les écrins, une invitation des copains en vol bivouac : tout ce dont j’avais envie ces derniers temps !
Rendez-vous est pris à Vallouise samedi matin à Puy-Aillaud. Je n’ai pas super bien dormi mais le réveil est matinal pour ramasser Robin à 7h au Fontanil et covoiturer jusqu’à Vallouise. On retrouve l’équipe là-bas. On arrive à se faire monter en stop jusqu’au bout de la route, sauf Laurent qui part pour un marche-vol.
Le vol du samedi est magique (record battu d’altitude max. pour moi : 4571m) : décollage de Puy-Aillaud puis remontée sur la barre des Écrins jusqu’à la Meije et même au glacier des Deux Alpes. Puis redescente à l’intérieur des Écrins vers le Sud (à la pointe de Rougnoux) jusqu’à ce que le froid et la fatigue nous suggèrent d’arrêter. Retour à Vallouise! 4h30 de vol et 70km en doublon avec Robin et grâce aux indications de direction de Guilhem et Laurent car j’avoue que pour une première sur ce massif j’aurais été tout bonnement perdue au milieu des sommets et des glaciers !
C’était juste magnifique et impressionnant ! Là-bas à 3500m tu es bas!
Mais bien que les thermiques étaient forts, les conditions une fois au plafond étaient plutôt saines, sans fermetures. Bien sûr les champions du jour sont Guilhem (qui continue vers le sud, traverse sur le Morgon, puis remonte direction Briançon jusqu’à St Crépin pour un joli FAI de 105km) et Laurent (qui reviens par le Pic des Pavéous, la Tête d’Amont jusqu’à La Tome et retour à Vallouise – marche et vol de 100km).
Le groupe s’étant divisé on organise une navette avec ma voiture et nous finissons la journée à 5 en bivouac au-dessus de Saint Crépin, dans un site bien joli mais dont la fraîcheur en milieu de nuit, raccourcit encore une fois mon sommeil.
Si je vous raconte la veille ce n’est pas pour crâner mais parce qu’elle explique aussi les conditions dans lesquelles je suis le lendemain : FATIGUÉE !!
Donc le lendemain, un cross perpendiculaire est prévu, après le Nord-Sud, on veut faire un Est-Ouest depuis le col de l’Izoard jusqu’aux Richards, avec descente vers le lac de Serre-Ponçon et où le groupe se séparera en 2 : ceux qui ont rendez-vous à St André-les-Alpes et ceux qui retourneront au plus près de Briançon, pour retrouver la voiture (en finissant en stop si besoin) et rentrer ainsi à Grenoble pour travailler le lendemain !
La voiture reste à Briançon. On monte tous assez facilement en stop jusqu’au col de l’Izoard. Le décollage du col est déjà surchargé de voiles, nous décidons de marcher jusqu’au décollage de Clot la Cime (~40 minutes) où nous espérons être à l’abri du léger Nord et où peut-être la brise de vallée et les thermiques prendront le dessus.
Je marche mais j’ai la migraine (« je la reconnais celle-ci, elle s’appelle manque de sommeil après 2 nuits minimalistes ! »)
Arrivée au décollage, c’est vent travers complet : on attend. Ça tombe bien : je prends 2 ibuprofène et fais un somme de 15 minutes dans l’herbe sous mon chapeau !
(« Vous les voyez tous les signaux au rouge ? »)
Après le pique-nique, ma tête va mieux. Même si le vent est encore travers on prépare les voiles. Ceux qui arrivent à sortir depuis le décollage du col se retrouvent déjà satellisés. Ça donne envie… Robin monte sur un petit épaulement 20m au-dessus du décollage qui permet une course face au vent avant un virage face à la vallée. Je trouve l’idée très bonne et de toute façon ça ne décolle toujours pas d’en bas. On ne se presse pas, on espère le redressement de la brise. Les trois premiers à décoller en nous rejoignant sur l’épaulement font des gonflages bien travers mais grâce à une bonne réorientation de la voile et une course très soutenue : ça décolle. Derrière le décollage le vol n’est pas très agréable, on voit les voiles flapper et même fermer (« nous ne sommes pas dans l’axe du vent ! » me crie mon cerveau que je n’écoute pas). Mais après 30 secondes de vol, ils sont dégagés du relief et commencent déjà à monter au plafond, bien hauts ! (Enthousiasme de voir les copains au plafond = effet de groupe garanti !).
Restent Robin et moi, les conditions ne me plaisent pas trop, on attend encore… Enfin quelques bouffes de face font leur apparition ! Super ! (« Et là est l’erreur : si elles apparaissent c’est que les thermiques commencent à prendre le dessus pourquoi ne pas attendre encore ??») L’enthousiasme d’une piou-piou me saisit, l’envie de rejoindre les copains, l’impatience d’un beau vol… (« Il est où mon sens critique ?? ») Je me prépare pour un décollage dos voile pour prendre bien de l’élan. Préviens Robin : « À la prochaine bouffe de face, Je gonfle »… Et tout se passe bien, l’aile se gonfle bien, est belle, face à la vallée, je décolle en 2 pas. Robin voyant cela détourne même le regard pour se préparer à suivre. Mais 2 secondes après je sens l’aile redescendre, je vais retoucher : c’est pas grave je suis prête à courir, je touche fais un pas un deuxième et là tout va très vite : la perte de charge et le retour d’une bourrasque de travers me soulève à nouveau mais réoriente en une fraction de seconde la voile parallèle au décollage, je vois le sol arriver en 1 seconde pile sur la zone caillouteuse, mais je ne suis pas inquiète : mes jambes sont sorties prêtes au choc pour amortir et la chute n’est pas haute et ne me paraît pas si rapide ! (une grosse culbute en virage en prévision quoi !). Ce n’est pas ce qui se passe : dès que mes pieds touchent le sol, j’entends et je sens des craquements dans le dos! La douleur est fulgurante ! Arghhh ! je culbute la tête la première pour un roulé-boulé pas vraiment maitrisé ! J’ai le souffle coupé. Et cette douleur dans le dos !!!
2 parapentistes sont déjà sur moi et me déharnachent : « c’est la cheville ? Non, c’est le dos ! ah, j’aurais parié pour une cheville ! Tu peux bouger ? On appelle les secours ? Attend s’il te plait, temporise, je reprends mon souffle ! Tu bouges les jambes ? oui, mes pieds et mon bassin aussi. Tu sens mes mains ? (dit-il en pressant les miennes, là je reconnais les questions d’un médecin ou secouriste!) Oui, oui, c’est mon dos ! Ok je suis un ancien du PGHM, je peux te faire les palpations d’usage dans le dos ? Bien sûr ! Non ce n’est pas les lombaires, c’est plus haut ! Aïe ! Oui les dorsales ! Humm, je serais toi je ne bougerais pas ! Ok je veux bien attendre encore 2 minutes, pour passer le choc de l’impact OK ?» Robin est déjà près de moi et les copains qui ont vu le mauvais déco en l’air, demandent des nouvelles. J’essaie de m’asseoir par le côté mais la douleur est vive et je me remets vite en position couchée, de toute façon je ne suis pas en état pour l’instant de porter mon sac à la descente ! Le parapentiste ‘médecin’ revient vers moi : « tu n’as plus le choix, la jeune fille a appelé les secours, ils arrivent avec l’hélico dès qu’ils ont fini avec le secours en cours. ».
Robin replie vite mon matos pour que les secours le récupèrent et qu’il ne se retrouve pas avec 2 sacs à descendre. Je prends la radio et encourage les copains à voler : ils ne peuvent rien pour moi et l’hélico va arriver : autant qu’ils dégagent pour le cross prévu.
Désolée Robin, je crois que je lui ai passé l’envie de voler aujourd’hui !
Et en plus, quand les secours arrivent, la brise au décollage est face en continu !!
Héliportée sans médication, je déguste un maximum. Ouf la morphine à l’hosto, me soulage : un scanner plus tard et le verdict tombe : une dorsale et son apophyse fracturée par compression. Fini la saison de parapente pour cette année !
Corset jewett nuit et jour pour 45j (et d’arrêt de travail) puis encore 45j juste le jour, avec contrôle neurochir au milieu. Vu l’emplacement, il y a une probabilité de lien avec ma fracture du sternum du printemps (affaiblissement de la vertèbre ?) Ce qui expliquerait la fracture sur une chute pas si grave que ça ?? Mais pas si bénigne !
De toute façon l’erreur initiale n’aurait pas dû être commise!!
La vraie question est celle-ci : « qu’aurais-je fait si j’avais été toute seule ? » et la réponse est simple me connaissant : j’aurais attendu !!! Sans doute pas renoncé mais attendu c’est certain ! Que l’effet de groupe agisse sur un jeune piou-piou : ok. Mais avec mes 29 ans de vol je ne me pardonne pas cette erreur !
Après 10 mois de remise en forme depuis l’automne dernier et un enthousiasme débordant, me voilà avec 3 mois d’arrêt complet de sport minimum. Il faudra tout reprendre la remise en forme musculaire à zéro !
Ma confiance va en prendre un coup et c’est peut-être pas plus mal.
Ah une autre chose que je veux m’imposer : je veux apprendre à tomber ! C’est bien beau de sortir les jambes pour amortir mais je ne suis pas sûre de les avoir pliées ??? Je veux apprendre à réellement amortir une chute et à tomber sans me faire mal. Mon médecin me conseille quelques cours de jiu-jitsu . Alors si vous connaissez une bonne école ou un autre sport où je pourrai pratiquer la chute je suis preneuse !!
Bons vols à tous avec prudence et raison !!!
Je suis déjà en manque !…
Merci beaucoup pour ce retour d’expérience, ça doit pas être facile mais c’est pédagogique pour nous autres.
À la lecture de ce rex, je me pose plusieurs questions :
– Qu’est-ce que tu avais comme sellette ? Avait-elle une bonne protection dorsale ? Et quelle est la vertèbre fracturée: une cervicale, thoracique ou lombaire ?
– En terme de trajectoire, tu dis que tu t’es retrouvée parallèle au décollage, du coup face au décollage ? Et tu as eu une fermetures ou un décrochage asymétrique pour que ça te réoriente à ce point ?
Salut Thibault, ma sellette est une Kruyer III avec sac airbag, mais il n’a pas eu besoin de servir puisque c’est quand j’ai touché le sol avec les pieds que j’ai senti ma vertèbre (thoracique) craquer. C’est pour ça que le médecin de Briançon m’a dit fracture de compression.
Moi j’ai pu gonfler vent de face sur l’épaulement donc face à la vallée, quand j’ai retouché j’étais encore face mais dès la bourrasque travers suivante ça m’a ressoulevé sans fermeture en réorientant la voile parallèle au décollage du dessous en virage très rapide ( l’impression d’1 seconde ) lequel je n’ai pas pu contrer le sol arrivant trop vite…
Je me permet de faire une remarque sur la première photo: je ne sais pas si c’est toi ou Robin mais le mousqueton n’est probablement pas adapté à la largeur de l’élévateur puisque ce dernier se cale dans l’angle du mousqueton. Je pense que la résistance à la rupture est probablement déjà diminuée dans cette configuration, le risque étant qu’il se mette carrément de travers durant le décollage et travail dans l’axe de la largeur, où la résistance serait diminuée de moitié. cf. l’article « Réflexion sur les connecteurs » de Kortel: https://www.korteldesign.com/reflexion-sur-les-connecteurs/.
En tous cas merci pour ce REX, ce n’est pas toujours facile à partager mais très utile pour les autres pratiquants. Je te souhaite un bon rétablissement et courage pour la suite, en espérant une reprise en douceur avec le CHVD 🙂
Tu as tout à fait raison ! J’ai mis ces mousquetons pour ne pas me servir de ceux de la Kruyer plus compliqué à mettre, et changeant régulièrement de sellette entre la Kruyer III et ma Kuik 2 suivant mes intentions de vol. La veille le mousqueton de gauche s’est mis de travers et j’ai pu le ramener en diagonale : ça m’a pas plu! Je voulais mettre des joints pour tenir fixe les accroches. Mais on m’a déjà dit qu’il existait des mousquetons plus fins, alors c’est mon prochain achat! Sur la Kuik 2 j’ai des mousquetons avec ‘antiretour de blocage’ c’est très pratique !
Pour appuyer le commentaire de Cyril sur la résistance des mousquetons en fonction de la largeur de l’elevateur : https://youtu.be/E9eqsiKPpFg?si=obx_rVD-TrJSrY2W
Merci pour le REX !
Bon rétablissement surtout : )
Merci!