Le déco du Col de Guizière
Le 15 Septembre 2023, 25 compétiteurs se retrouvent à Rabou dans le Dévoluy pour une des dernières compètes du circuit Sport de l’année. Nous sommes 2 membres du CHVD à y participer : Jean-François Larvoire et votre serviteur. C’est une manche improvisée à la dernière minute le vendredi car les 2 jours prévus initialement (le we du 16-17) ne sont pas volables. D’ailleurs cette compète avait déjà été reportée une fois. Nous ne ferons donc qu’une manche. L’orga nous annonce de belles conditions météo avec des beaux plafs et pas trop de vent. J’ai regardé meteoblue et je ne dirais pas tout à fait la même chose. Ok pour les plafs et la nébulosité mais en ce qui concerne le vent ça serait plus tôt 20 km/h de Sud ! Bon, je ne suis pas du coin alors je fais confiance au DE et à son météorologue.
Au briefing on nous présente une manche de 90 km à partir du col de Guizière juste au-dessus de Gap, sur la Montagne de Charance, pour aller taper B1 le Pic de Bure, B2 Ceüse, B3 un point en plaine devant Aspres, B4 le Grand Ferrand, B5 le Pic de Chaudun à l’Est de Charance, et goal de retour à Gap.
La montée au déco
Vers 10h on attaque le sentier qui nous mène au déco. 20mn de marche pas trop raide pour arriver sur une belle pente d’herbe sèche parsemée d’innombrables bouses de vache (attention où tu étales…).
À 11h 30 la fenêtre est ouverte et les premiers pilotes s’envolent. Les plafs sur le Pic de Bure sont encore bas alors nous prenons notre temps et d’ailleurs Jef sera le dernier compétiteur à décoller.
Le Start sur la plaine de Gap
Ça monte facilement, je fais le start à 1800 m, je dois être dans les 15 mais je rattrape beaucoup de voiles en arrivant à B1 (je force un peu le passage, il faut que ça reprenne dans les pierriers du Pic de Bure autrement je vais être mal. Ici, il n’y a rien de vraiment posable, mais d’expérience le coin est une vraie catapulte et avec les cums qui forment au-dessus de la voile, no soucy) et ça marche. J’ai rattrapé le groupe de tête.
Transition vers Ceüse
Grosse transition vers B2, Ceüse ; les premiers suivent le trait qui mène tout droit vers une zone complètement à l’ombre. Je n’y crois pas et j’oblique vers les faces Ouest qui sont au soleil. Bingo, pendant que les autres ratassent dans leur trou, je fais le nuage avec une zeolite qui mène le bal et qui a réagi assez vite pour se sortir du traquenard. Nous partons vers Aspres et après quelques minutes je pers le gun de vue. Je ne le reverrai qu’à l’atterro !
Transition vers Aspres
À partir de là, ça se complique, on commence à sentir l’influence du Sud (ce que n’avait pas prévu l’orga …) Le pilotage devient technique car il faut choisir entre avancer en dérivant ou monter dans des thermiques qui décalent et nous éloignent de la balise qui est encore à 4 km face au vent. On est maintenant plusieurs au-dessus du d’éco d’Aspres à essayer de monter suffisamment pour partir vers B3 mais à chaque fois on s’éloigne de la balise… Finalement je décide, une fois de plus de forcer le passage et je pars aussi haut que je peux, c’est-à-dire bas ! Là ce ne sont pas les atterros qui manquent mais justement, pas vraiment en vie de poser. Et curieusement ça porte, les autres pilotes m’emboitent le pas et j’ai la surprise de découvrir que Jef est déjà sur place (il a choisi la voie rapide, un tout droit depuis Ceüse et a coiffé tout le monde au poteau !). Retour au-dessus du déco d’Aspres, la prochaine balise, c’est le Grand Ferrand, plein Nord, vent de cul donc. Je connais bien ce cheminement pour l’avoir fait de nombreuses fois en Delta et en Parapente. Rein de compliqué, faut juste être haut parce qu’avec les 15-20 km/h qui poussent ça peut vite devenir turbulent quand on arrive à la montagne de Durbonas. Donc j’assure le max sur Aspres (2738 m en me laissant décaler au Nord-Ouest).
Vers le Grand Ferrand
Je raccroche à Durbonas sans problème où je refais 2721 m. C’est bon ça ! je suis assez haut, je peux attaquer le cheminement vers le Grand Ferrand sans trop me faire secouer. Je sens quand-même ma voile qui suit les ondulations du vent, mon GPS affiche plus de 60 km/h par moment. Je vois quelques pilotes qui ont négligé les pleins et qui s’engagent très bas dans la lessiveuse… Ils n’en ressortiront pas. Il y en a même un qui pose dans les gencives du Grand Ferrand, qui remonte un bout du pierrier et redécolle juste assez haut pour passer les arbres et rejoindre la nationale qui suit la vallée du Buech… Je commence à avoir faim mais ce n’est pas le moment de sortir le sandwich. Je le réserve pour après la balise du Grand Ferrand où je devrais avoir une longue transition vers l’Est donc moins sujette aux grosses ressources et aux belles abatées intempestives, où il vaut mieux avoir les poignées des freins bien en main.
Au Grand Ferrand je rejoins une autre Alpina qui sort de nul-part… On va finir le vol ensemble. Je ne sais pas encore que nous serons les seuls pilotes à boucler avec la Zeolite qui est déjà posée ! Je monte à 3021 m sur le Grand Ferrand et je pars plein Est vers les faces bien ensoleillées du Dévoluy et la Tête du Collier, côté Col du Noyer. À partir du Grand Ferrand, Il y a 2 options pour rejoindre B5, la balise du Pic de Chaudun. Soit repasser par le Pic de Bure, soit couper à travers le plateau du Dévoluy. Je choisis la deuxième option parce que c’est un parcours que je n’ai jamais fait (c’est une des raisons qui me plait en compète, voler en terra incognita). L’autre Alpina prend la même option, cool, nous allons nous tirer la bourre jusqu’à la fin… Je peux enfin manger et satisfaire un autre besoin qui demande aussi un peu de calme dans l’aérologie. Nous atteignons les faces rocheuses verticales orientées Nord-Sud donc bien pour le soleil mais pas terrible pour le vent… C’est comme à Aspres mais en bien pire ! j’ai 28 km/h dans le nez mais les thermiques suffisamment puissants montent assez droit… Pour avancer il faut pousser sur le barreau et le relâcher dès que ça bipe. Là tu fais un ou deux tours et tu repars face au vent en reprenant l’accélérateur. Tant que tu es au-dessus de la crête ça va. J’appréhende le passage du Col du Noyer mais ça passe facilement. Finalement j’arrive en tête au bout de la crête. Enfin au vent, je m’attends à ce que ça monte mais non, on stagne un moment à la même altitude en gérant les rafales. Alors mon compagnon de vol choisi de partir à l’Ouest et de retourner vers le Pic de Bure et ses nuages. Je me dis que j’ai une chance de le larguer en m’engageant dans les gorges du petit Buèche pour me refaire sur les grandes pentes herbeuses ensoleillées qui surplombent Rabou. L’option est un peu osée parce que poser dans les gorges… Mais ça passe, j’arrive sur les alpages, accueilli par une bande de Patous qui n’apprécient pas du tout ma présence, ils me prennent sans doute pour un Aigle ! (si seulement…). Donc il ne faut pas poser là non-plus ! Je commence à faire des aller et retour qui énervent les clebs de plus belle, ça monte mais pas fort et pendant ce temps, l’autre Alpina me passe dessus ! Bravo l’option Kamikaze. Je fini par sortir de mon trou et boucle 15mn après le second, le premier nous attendait là déjà depuis plus d’une heure !
Et Jef ? me direz-vous, eh bien il a abandonné la partie à Aspres, après B3. Il nous racontera peut-être pourquoi…
Le podium
Pour ma part, après presque 6h de vole et 91 km je suis très content de monter enfin sur le podium, à la troisième marche.
Moi je suis allé volontairement me poser après m’être refait à la Longeagne, car le vent de sud forcissait, et je ne me sentais pas de rentrer dans le Dévoluy dans ces conditions. Les récits de ceux qui ont continué ne m’ont pas fait regretter mon choix!
Deux autres pilotes ont d’ailleurs fait indépendamment le même choix au même endroit. Cela ne nous a pas empêché de finir dans la 1ère moitié du classement, car une bonne moitié des concurrents n’ont pas atteint la balise de Céüse!