Voici le récit d’une première aventure en vol-bivouac lors de l’été 2023.
« On dirait le sud … le temps dure longtemps ! …. »
C’est avec cette mélodie que Maxime propose sur le discord un départ le lendemain depuis le Moucherotte avec pour objectif le Sud, avec le matos de bivouac.
La vendredi matin, avec Marion, nous rejoignons Maxime et Lucas au sommet. Le vent n’est pas dans le bon sens et nous contraint au décollage falaise en Est, celui qui fait peur.
À 11h, 20 minutes après le décollage, l’A7 des face Est du Vercors est en travaux, ça n’avance pas, on peine à rester au-dessus du relief et le fond de la vallée semble bien trop proche. Une pause s’impose avec un atterrissage technique au col de l’arc pour attendre la fin des ralentissement. Petite sieste à l’ombre en attendant Marion qui est posée au Pré du Four. Maxime est encore au décollage, il démêle sa voile d’un sapin suite à une tentative interrompue.
Finalement réuni avec Maxime et Marion on rejoint enfin le Mont Aiguille en vol, 4h après le premier décollage : le sud est encore loin.
C’est le début d’après-midi et les rues de nuages nous portent enfin le long du Vercors. Un peu trop en confiance sur notre finesse, Marion et moi sommes contraints de vacher à l’entrée du Diois au Col de Mené. Maxime profite de notre erreur pour assurer tous les plafs et continue son chemin en vol.
On retrouve un décollage sur les crêtes de Jiboui. Les conditions faiblissent dans ces orientations Nord-Est et on se jette de l’autre côté du col de la Croix Hautes. La raccroche à Courtet est très efficace mais la journée est bien avancée à présent. Le soleil baisse sur l’horizon et nous ne pouvons plus espérer rattraper Maxime qui est déjà au-dessus de Gap.
À plus de 3000 m à l’Obiou, nous nous jetons dans le Dévoluy. La masse d’air ne nous porte plus du tout. La brise qui arrive du Trièves me pose rapidement. Un parapentiste en herbe et guide local nous a trouvé un super spot de bivouac pour la nuit. À quelques kilomètres du col du Noyer, un décollage idéal pour le lendemain.
La nuit sera fraîche et étoilée, on monte le tarp pour gagner quelques degrés et on se glisse sous les voiles en guise de couverture.
Le réveil est splendide, de gauche à droite, illuminé par la lumière rasante du matin : Le Pic de Bure, Le Grand Ferrand et l’Obiou.
Ben, notre guide local nous retrouve sur la route et nous économise 2 kilomètres de marches pour rejoindre le col du Noyer. On assiste à son décollage matinal avant d’aller déguster une crêpe et une tarte aux fruits rouges maison à la cabane du col.
Vers 11h, nous décollons avec l’ambition de traverser le plateau qui sépare le massif du Dévoluy des Ecrins. Une bonne douzaine de kilomètres. Les plafonds ne sont pas très hauts pour envisager sereinement la transition (2800-2900), nous sommes peut-être un peu trop tôt. Je quitte le pic de Gleize à 2700 mètres d’altitude. Cap sur le Puy de Manse.
La finesse en transition est moyenne. En milieu de transition je suis déjà bas et j’ajuste progressivement ma trajectoire sur le “chapeau de Napoléon” qui est plus bas. Il fait bon et l’odeur des foins est perceptible. C’est le moment d’anticiper en repérant le champ propice pour se poser.
Malgré tout, mon altitude restante me permet de prospecter un petit peu plus loin.
Bip… bip … bip bip bip je trouve un thermiques, faibles sur le premier tour, le temps de s’ajuster et il se régularise et me monte ensuite à 2 mètres par seconde. Ouf, 800m de gains d’altitude qui me permettent de repartir dans le vol.
Marion a suivi une meilleur ligne dans la transition et a directement accroché sur le Puy de Manse directement.
Arrivée au-dessus de Chorges, tout au sud du massif des Ecrins, il faut maintenant traverser le lac de Serre Ponçon, 2 fois, pour rejoindre le sud. Encore une fois, nous ne parvenons pas à rejoindre une altitude confortable pour envisager la transition. Qu’à cela ne tienne, le but est d’avancer, je pars à nouveau à 2700. La distance est un peu moins grande cette fois pour rejoindre l’épaule nord du Morgon.
A deux nous parvenons à déchiffrer le fonctionnement aérologique de l’épaule qui remonte au Morgon qui nous permet de rejoindre son sommet. Ça y est, la première traversée du lac est réussie. La deuxième transition vers Saint-Vincent-les-Forts, je connais, et la suite aussi. Dormillouse, cheminement, Estrop. De là, on continue : direction la montagne du Carton au milieu de la Bléone. Petit moment de doute lorsqu’on n’avance presque plus dans la brise et que la finesse est réduite à peau de chagrin. Finalement, on fait carton plein, ou plutôt on fait le plein au Carton.
La crête de Coste Longue est dans la suite logique et nous porte jusqu’à Thorame. On aperçoit le lac de Castillon.
Marion se retrouve un peu basse au-dessus de la dernière montagne à survoler avant de rejoindre le village. Avec sa voile au performance réduite par rapport à la mienne, elle est contrainte de poser avant d’être bloquée au-dessus des gorges de l’Issole ou l’atterrissage n’est pas une option.
Je pose à l’atterrissage et plie le matos dans la pelouse bien verte d’Aerogliss, l’école locale. J’aborde deux parapentistes. Des marseillais, qui acceptent de faire la route pour aller chercher Marion qui est à 2h de marche. Vincent, nous emmène dans sa Tesla, à fond, jusqu’aux pistes forestières après le village d’Argens ou l’on récupère la parapentiste égarée. Bien sûr, les remerciements sont arrosés avec de la bière de la brasserie de Thoram à la terrasse de l’école où ils fait bon traîner en fin de journée.
Les moustiques nous laissent tranquille à minuit passé. Le bivouac light, sans tente, c’est bien, mais la moustiquaire a fait défaut cette nuit.
Petit déj au café de la place accompagné des viennoiseries acheté à la boulangerie. On se ravitaille rapidement à la supérette avant de succomber à l’appel de la navette qui nous dépose au déco du Chalvet Ouest peu avant 13h.
Sur le déco on refait connaissance avec Suzanne, une parapentiste Annécienne qui semble beaucoup apprécier le coin et y passe beaucoup de temps. Elle se joint à notre plan de vol :
toujours direction le sud, vers le Col de Bleine, puis Gréolière pour aller voir la mer.
Finalement, considérant la période touristique (autour du 15 août), je n’ai aucune envie d’aller faire du stop sur la côte d’Azur simplement pour me baigner sur une plage bondée. Voir la mer depuis le ciel me suffira pour cette fois.
Le plafond au-dessus de St-André est très bon. Marion part devant vers la montagne de l’Aup et je la suis de quelques minutes. Suzanne ferme le vol. C’est nettement moins évident avant la traversée sur lac de Castellane. Une fois de l’autre côté, le cheminement sur la crête n’est pas excellent. Nous nous retrouvons à batailler laborieusement au bout de cette crête de falaises pour tenter de faire un plein avant de continuer vers l’est ou vers le sud. Terra incognita, nous sommes très incertain sur le chemin à suivre.
Je parviens à m’extraire dans une aérologie très compliquée à interpréter. Je force le passage face au vent de sud vers la montagne des 4 termes. Marion et Suzanne ne trouvent pas la porte de sortie et décident de prendre la direction du retour vers Saint-André.
Il faut dire que le ciel est bien sombre loin à l’est et également au N où l’on perçoit le haut de la nimbe d’un cumulonimbus qui doit prendre sa source vers Gap ou encore plus au Nord.
Au 4 termes je ne comprends pas tout, je fais du gain, mais le temps que je choisisse une direction pour avancer je reperds tout. Je vise des déclencheurs qui ne fonctionnent pas. Un vautour me fait espérer trouver la solution pour continuer mais sa participation à l’effort de prospection ne va pas dans la bonne direction. Tant pis, je ne verrais pas mieux la mer aujourd’hui. Je la devine tout juste encore loin au sud à travers l’atmosphère brumeuse. Au final, la côté d’azur … un 15 Aout … pas sûr de beaucoup l’apprécier.
Demi-tour, cap au Nord, avec le vent de cul. Je rattrape les filles qui arrivent vers la crête de Chamatte. Le vent se renforce encore, mais ici il vient de l’ouest. Marion rentre à l’atterrissage d’Aerogliss. Suzanne ne trouve pas le moyen de remonter à la crête et fini posé vers Vergon pour rentrer en stop. Loin à l’Est, sur le Mercantour, j’aperçois des traits de foudre qui relie le sol à la base noire des nuages. Il est temps de se poser, la nimbe au Nord se rapproche également. En l’espace d’une demi-heure elle est déjà descendue au sud du lac de Serre Ponçon.
Maxime est arrivé depuis Montclar en volant et a posé à quelques kilomètres de Saint-André. Il a volé avec un groupe de parapentistes, eux aussi en vol bivouac, qui finissent aussi par arriver en vol, au moment où les choses commencent à se corser avec des entrées de vent rafaleux sur l’atterrissage. La nimbe au N arrive maintenant à l’aplomb de notre latitude.
Une bonne partie de la communauté parapente échoue ici suite à l’évolution de la météo de la journée. Tout le monde pose sain et sauf.
On peut décapsuler tranquillement de nouvelles bouteilles d’IPA de la brasserie locale pour se raconter nos aventures. On commande des pizzas pour se rassasier, c’est ça aussi le bivouac light sans réchaud, savoir profiter des opportunités pour manger “convenablement“ en anticipation de la semoule froide des jours suivants.
Les choses sont bien faites parfois. Nous sommes descendus jusqu’ici avec une composante de vent du nord. La tendance vient du sud pour les jours à venir.
Nous sommes maintenant un groupe de 7 pilotes avec le même objectif, retourner au nord. Quentin, Florence et Christophe étaient partis de Gap, Edouard les a rejoints en cours de route. Maxime renonce à aller plus au sud pour rester avec le groupe et Suzanne tente de nous accompagner un moment avant de revenir.
Au déco du Chalvet Est, nous rencontrons deux autres parapentistes en vol bivouac qui arrivent du nord et ont pour objectif la mer. En discutant, nous réalisons que nos chemins se sont croisés depuis le début. Le monde est petit. Ils sont sacrément motivés pour aller se baigner. On partage quelques infos sur nos aventures de la veille pour leur donner des pistes pour leur vol à venir.
Les vautours indiquent enfin que la convection est en place. Rapidement des grappes de voiles commencent à tournoyer dans le ciel.
Quentin et Florence s’extraient en un clin d’œil. Christophe leur emboîte le pas. Marion et Suzanne manquent de quelques mètres la bulle qui me sort aussi rapidement. Le vent de sud nous pousse dans la bonne direction mais il est donc difficile d’attendre au plafond.
Finalement Edouard me rejoint et on coupe directement vers la montagne de Coste Longue qui a un petit cum appétissant sur son sommet.
Globalement, jusqu’à Dormillouse je descend très rarement sous 3000 m d’altitude.
La plupart d’entre nous n’avons plus de batterie dans nos radios, on utilise l’application Zello pour communiquer en vol. C’est pas mal, mais tout ne fonctionne pas toujours bien, une partie des infos entre la tête de peloton et les poursuivant se perd. Résultats, chacun suivra son propre chemin pour traverser la Bléone et rejoindre l’Estrop.
Au Dormillouse, le vent météo tourne à l’ouest. Je pars assez bas en direction du Morgon où Edouard me double par le haut et se lance en premier vers le Mont Guillaume.
Je n’arrive pas à trouver un thermique pour prendre plus d’altitude avant de le suivre. Je pars à peine plus haut que le sommet du Morgon, sans trop y croire. Edouard vise l’épaule sud, la plus proche, je n’y crois pas trop avec la composante ouest que je sent en l’air. Je trouve un appui dynamique qui me permet de prospecter et lentement remonter vers le sommet. Edouard, lui, est contraint de s’éloigner des lignes HT et fini posé.
Pendant ma remontée vers le sommet, Maxime arrive au-dessus de moi. Il a enroulé un thermique en milieu de transition qui lui permet de raccrocher très haut.
Marion et Florence n’ont pas trouvées le même thermique et visiblement la communication ne passe toujours pas avec elles puisqu’elles suivent exactement la ligne d’Edouard que j’ai indiqué comme mauvaise en l’air. Elles posent toutes les deux dans un champ sans avoir trop insistées, car l’aérologie est très forte dans ce coin sous influence de la brise du lac.
La moitié du groupe est à présent posée. Avec Maxime, nous tentons une incursion dans le massif des Écrins. Les thermiques sont couchés et difficiles à garder sans trop se faire décaler sous les reliefs. Notre combativité baisse et la perspective d’une bonne baignade dans le lac ont finalement raison de notre motivation à rejoindre Puy Aillaud.
Demi-tour, on force pour ressortir du massif. On retrouve Quentin devant le Mont Guillaume et on va se poser ensemble près du lac pour la baignade.
Une fois posé, je reçois un appel d’Adrien qui propose le service récup voiture, avec option bière cacahuète trempette dans une petite crique du lac. Il est venu en stop depuis Grenoble. À la base, il pensait juste venir récupérer sa voiture laissée à Chorges quelques jours auparavant. Finalement, les conditions météo sont trop tentantes pour ne pas voler. Un nouveau membre pour reconstituer un groupe de vol. Flo et Edouard ont fait défection et sont partis vers de nouvelles aventures de leurs côtés.
Après une nuit à la belle étoile au-dessus de Chorges, nous trouvons des voitures qui nous montent en auto-stop jusqu’au parking le plus haut. Avec nos gros sacs à dos, on ne refuse jamais ce genre d’économie d’énergie.
On finit tranquillement à pied jusqu’au décollage sous le Piolit. Quelques pilotes locaux ouvrent les aires. Ça monte, on peut y aller !
Adrien ouvre la manche et tout le monde décolle rapidement derrière lui.
On commence par un petit aller-retour aux aiguilles de Chabrières pour jauger la masse d’air. C’est venté et pas toujours évident, avec des thermiques sous le vent qui déclenche fort où il n’est pas toujours agréable d’enrouler. J’en néglige un au Piolit. Je vais le regretter jusqu’au Cuchon d’Ancelles où j’arriverais laborieusement à repasser au-dessus de 2200 m d’altitude. Tout le monde m’est passé devant. Je rattrape un peu mon retard après les Richards.
Quentin et Adrien ont une transition d’avance sur Marion, Maxime et moi. Finalement, un voile nuageux au-dessus du Dévoluy réduit grandement la convection et nous permet de les rattraper. Gros changement de rythme, on enroule du +0.2/+0.5 m/s. On avance prudemment. Au-dessus du sanctuaire de la Salette, Marion propose de nous poser au sommet et de temporiser pour attendre que le soleil revienne. Merveilleuse idée ! Ni une ni deux, je suis posé. Adrien également. On dégourdit les jambes et on profite des champs religieux qui montent depuis le Sanctuaire qui célèbrent l’Assomption.
Maxime continue car il est trop avancé pour se reposer haut. Quentin le suit.
30 minutes plus tard, le soleil revient. Marion trouve le fameux thermique au Colombier au-dessus des vaches que Maxime et Quentin nous ont indiqués. Adrien et moi, rien. On part donc en transition vers le Coirot. Avec le vent de sud, on est poussé dans la bonne direction, on trouve le thermique en pleine transition. J’enroule en dérivant pour finir par raccrocher plus haut qu’au départ de la transition.
Depuis le Coirot, Quentin est passé par les avants reliefs vers le Tabor de Matheysines. Très bonne option, il fait un plaf à c’était le meilleur choix, il prend un plafond à 3400 avant de partir confortablement vers Chamrousse.
Maxime est déjà au Taillefer, mais lui galère à passer au-dessus du relief. Adrien, qui a mené tout le début du vol, prend un train de retard.
Avec Marion, on finit par rejoindre Maxime qui en a marre de chercher à monter plus haut, on part tous en transition vers Chamrousse sans trop y croire …
La masse d’air nous porte bien, une fois n’est pas coutume, on enroule encore en transition pour gagner un peu de confort et de sérénité pour la raccroche.
Tout le monde passe les crêtes de la station avec de la marge. L’hélicoptère Dragon 38 est en intervention entre nous et la suite de Belledonne. Maxime fait une tentative pour pousser plus loin vers le nord, mais c’est finalement l’appel de la bière fraîche à Saint-Martin d’Uriage qui sera le plus fort.
Une très bonne manière de terminer cette aventure, avec un vol de groupe où quasiment tout le monde pose ensemble.
Je n’ose pas imaginer les émotions lorsque vous bouclez en revenant dans la région grenobloise. Bravo à vous ! Faut un sacré niveau pour tous ces beaux vols : )
(le début de l’article indique « l’été 2023 », mais c’est 2024 ?)
Non c’était bien en août 2023. L’article a été en gestation pendant 1 an …
Le vol-biv en 2024 ce sera pour un autre article. Petit teaser, ça c’est déroulé dans les grosses montagnes, plus au nord, vers la Suisse et l’Italie.
Un grand bravo pour cette magnifique série de vols-bivouacs qui fait bien rêver!
J’en ai fait beaucoup de morceaux, mais je n’ai jamais réussi à les enchainer comme ça!
Magnifique ! Ca fait rêver, et ça donne beaucoup de motivation pour progresser et espérer un jour faire le même genre d’aventures !